jeudi 18 octobre 2007

Le populisme présidentiel : phase ultime de la désacralisation du Politique.


« Aujourd’hui, Jeudi 18 octobre 2007, notre cher président divorce de la princesse Prada. C’est un jour noir pour notre Nation. Rendez vous compte, notre Chef : affaibli ! Mais heureusement, il est fort notre Nicolas : un footing, des UV et c’est reparti. Nicolas par ci Nicolas par là : Nicolas embrasse son fils, Nicolas part en vacances, Nicolas repasse son slip. »
Il est partout. Vous me direz c’est bien, pour une fois qu’on parle de politique. Mais voilà, ce n’est pas de la politique! Et pendant qu’il se pavane, on ne parle pas de ce qui se fait et encore moins de ce qui ne se fait pas. Le gouvernement réforme les régimes spéciaux des cheminots mais pas ceux des militaires ou des parlementaires, le grenelle de l’environnement prévu pour septembre se fait attendre et la réforme des institutions est plus qu’inquiétante puisqu’elle tend à constitutionnaliser le populisme présidentiel.
Avec Sarkozy, ce n’est pas un pas, ce n’est pas un bond, c’est un plongeon que nous faisons dans l’ère de la politique spectacle, où l’acteur fait oublier le scénario, où le people fait oublier l’homme d’action. Sarkozy, mais aussi l’intégralité de nos médias, nous entrainent dans une fuite vers la quotidienneté : la politique ce n’est plus Pnhom Pen ou Epinay, c’est du prénom, du tutoiement, du Paris Match.
Tout le monde s’accorde pour dire que le Pouvoir doit être mis en scène pour être représenté, incarné, sacralisé. Mais voilà trop d’incarnation tue l’incarnation. La politique : cela a toujours était du théâtre, de la mise en scène : un orateur, un public qui écoute, ne comprend pas tout mais écoute et surtout, surtout, une fosse et trois coups : un espace entre la foule et l’acteur, entre le privé et le public. Aujourd’hui, nous ne sommes plus au théâtre, mais dans un stade: il faut de l’immédiat, du direct, du H24, de l’exclusif : le contact ronge la distance et la présence a remplacé la représentation. De la surmédiatisation nait la dangereuse désacralisation du pouvoir.

Nous sommes alors passés d’une société de la graphosphère à celle de la vidéosphère et les répercutions sur le Politique sont plus que considérables. Il y a d’abord l’appauvrissement du vocabulaire de nos hommes et femmes publics. Contrairement à ce que certains pourraient penser : ce n’est pas un détail : on ne parle pas à une Nation millénaire comme on parle à ses copains. Vient ensuite une évolution plus pernicieuse, que j’ai déjà évoquée, celle de l’avènement du culte de l’individu. Parce qu’il est plus visible : l’individu devient plus réel et plus prometteur que le collectif et la société cesse de se projeter dans l’avenir.
Un autre effet majeur de cette surmédiatisation réside dans le passage d’une démocratie électorale à une démocratie plébiscitaire. L’élection comme source du pouvoir ne se joue plus dans les urnes, quand la Nation appelle ses citoyens à faire des choix ; mais elle est désacralisée, elle se joue dorénavant dans les pages glacées des magazines. La Nation n’appelle plus, aphone, prisonnière de l’image des hommes qui sont à sa tête ! Ils la crèvent, la piétinent, la dissèquent en réduisant le Politique à un jogging sur Wallstreet avenue.
Nous avons ensuite développé une culture du résultat : comme si la France pouvait être une entreprise. Le résultat est devenu le seul critère démocratique : il est exigé et on le veut immédiat. Pourtant, chacun sait que le rendement du travail politique est le plus faible de tous et qu’il se joue sur le long terme. Alors pour compenser la lenteur de l’Etat, l’Homme d’Etat pallie l’inefficacité par la visibilité. La démocratie, n’est donc plus le pouvoir de la majorité, mais celui du plus bruyant. Sarkozy a gagné parce qu’il était plus visible et il a gagné pour devenir le plus visible.
La conséquence politique de cette omniprésence du président est plus que gravissime pour la simple raison que tous les canaux de communication traditionnels entre la tête et la masse sont court-circuités sans que personne ne crie au feu. Le président au parlement, le président en direct, le président accessible qui répond à tout et à tous. Avec l’avènement du populisme, la tête n’a plus besoin de corps intermédiaires: plus besoin de partis, ni de parlementaires, et encore moins de premier ministre. Avec sa stratégie d’ouverture, Sarkozy s’est lancé dans une entreprise de saucissonnage de l’opposition et a fait de l’UMP un parti omnipotent. Il a réduit les parlementaires à l’application d’un programme présidentiel et le premier ministre sera bientôt supprimé par la réforme de l’Etat. Un peuple, un chef : voilà l’avenir de la démocratie si rien ne se passe : tous les contre-pouvoirs institués disparaitront les uns après les autres.
Tout cela rejoint notre peur incompressible de l’avenir : les époques sans futur choisissent l’omniprésence pour compenser l’impuissance. Avec la vidéosphère, nous faisons de la politique à l’américaine comme il d’usage de dire. Sauf qu’en Amérique, ils ont Dieu, la Destiné Manifeste, un pouvoir sacralisé. Leur politique modernisée et leur société de l’image sont stables, l’avenir est projeté, via Dieu d’accord, mais projeté quand même. En France notre Dieu à nous, c’était la croyance dans le progrès infini et les espérances des Lumières. Aujourd’hui plus rien de tout cela n’aiguille le Politique qui est plus un étourdissement qu’une mise en perspective du présent. Alors voilà maintenant où nous en sommes : il sera bientôt le seul maitre à bord et c’est tant pis pour nous. Mais rien n’est jamais trop tard, les grèves, le vote, les manifs : les bonnes vieilles méthodes quoi !!!!

lundi 7 mai 2007


53%. Cela fait maintenant 5 ans qu’il y pense en se rasant, et voilà il l’a fait. Le petit Nicolas est devenu grand, trop Grand.
Vous me direz, comme beaucoup de démocrates, « Et alors La France a réélu la droite, et c’est tout, comme elle a pu le faire par deux fois avec Jacques Chirac ! » Mais cette année ce n’est pas la même chose, Nicolas Sarkozy ce n’est pas n’importe quelle droite ! Cet homme a réussi à séduire la moitié du peuple français malgré la droitisation extrême de son discours et c’est en cela qu’il est inquiétant. Il ne s’agit pas ici de le diaboliser, de remettre en cause sa légitimité ou de sortir les appels à la résistance face à un danger qui n’en est pas un (ou du moins pas encore), mais simplement de témoigner de cette radicalisation à succès et de rappeler que malgré cette victoire éclatante, il existe encore en France des gens qui refusent la normalisation économique, morale et politique de Nicolas Sarkozy.
Hier, nous avons élu un homme pour qui la pédophilie et la suicide sont génétiquement déterminés, un homme qui souhaite un retour sur l’héritage libéral et libérateur de mai 68 et un rétablissement de l’autorité, un homme qui déjà même au sein de son parti entretient un culte de la personnalité sur fond de peoplelisation, un homme qui entretient la dangereuse collusion média/pouvoir, un homme qui fait de l’identité française une qualité et qui refuse la diversité pourtant salvatrice.
Si c’est bien cette radicalisation qui a séduit les électeurs, alors l’heure est grave ! La France a des comptes à régler avec son Histoire, son identité et son système de solidarité. Si c’est cet autoritarisme qui a séduit les électeurs alors je ne reconnais définitivement plus la France qui est la mienne. Elle est loin la France de Delacroix, celle de la Liberté, des Droits de l’Homme, de la tolérance et de la fraternité sociale et culturelle.
Cependant, je ne veux pas croire que ce soit ce discours intolérant qui ait séduit les fils de Marianne. Nicolas Sarkozy vend tout simplement quelque chose de simple et qui pèse lourd face aux valeurs humaines de solidarité : l’illusion de la réussite individuelle pour tous ! Il a réussi à faire croire que Sa France, celle de Neuilly, était accessible à tous. « Travail, Autorité, Morale, Respect, Mérite » sont les clefs de la réussite. Ignorant le déterminisme des capitaux sociaux, culturels et économiques, il a fait croire que dans sa société pseudo méritocratique, nous étions tous égaux face à la réussite sociale. C’est simple, facile à comprendre et prometteur : Ca plait !
Le modèle que propose Nicolas Sarkozy est l’application politique de l’individualisation des société et de l’aboutissement du culte de l’individu. Face à la fin des idéologies, les Hommes n’ont plus qu’un intérêt : Eux Mêmes ! « Le progrès commun ? Qu’importe puisqu’on ne sait même pas si il y aura un Demain ! »
Concrètement, Nicolas Sarkozy est le candidat des Inclus : une France bien blanche et bien propre, celle qui croit avoir réussi grâce à son mérite et sous estime le conditionnement familial. Il fait croire à tous que le travail, l’épargne et l’achat de la dernière Renault sont la clef du bonheur comme marqueur de la réussite sociale personnelle au yeux des élites méprisantes que sont ses amis. Peu importe que l’on élise un président réactionnaire, atlantiste qui ne peut même pas aller en banlieue tant qu’il nous assure à Nous, les Inclus mais pas aux autres la récompense (et non plus le dû) de notre Travail.
L’intégralité de notre avenir va se jouer dans les quelques mois qui accourent. En dehors des législatives, c’est la réaction face aux premières réformes qui sera déterminante. Sarkozy, fier de sa légitimité populaire, va pouvoir enclencher sa révolution tatchérienne et mettre en place Sa conception de la société.
Une société qui vise sur le plan économique la conversion au libéralisme et le nivellement par le bas, qui vise au nom de la méritocratie et de la réussite individuelle de quelques uns la destruction des filets de sécurité et des derniers signes de solidarité qu'il nous reste pour éviter la pauvreté absolue à un plus grands nombres. Une société où la contestation en dehors de l'élection est refusée où les manifestations seront contrôlées, le droit de grève restreint, les journalistes surveillés et les abus de pouvoir permanents. Une société divisée qui perd l'idéal commun du vivre ensemble. Une société pragmatique basée sur la valeur travail et l'argent: Travailler plus, Travailler plus ! Mais a quel prix? Une société où le racisme s'institutionnalise et devient acceptable. Une société qui perd les valeurs de tolérance et d'accueil qu'elle a toujours prôné.
Alors maintenant, le combat continue plus que jamais. Si vous voulez encore pouvoir vous raser le matin en vous disant fier d’être français, si vous voulez encore croire que vos impôts ne servent pas qu’aux subventions patronales, si vous voulez encore croire que l’avenir de la France se joue dans les cités plus que dans les beaux quartiers parce qu’il y a là bas un trésor d’invention plus qu’un simple gibier à Karcher, alors Manifestez, Votez, Criez ! Car la démocratie contrairement à ce qu’on nous fait croire ce n’est pas le pourvoir de la majorité mais simplement celui du plus bruyant, du plus convainquant, du plus habile.
Alors maintenant, A gauche toute ! Au nom de notre passé et pour notre avenir !

mardi 24 avril 2007

Ambiance de fin de siècle.

Ce n’est pas l’an mille mais presque. Ici, ce n’est pas les démons de Satan qui nous menacent mais nos propres démons : L’homme, depuis peu seul face au monde, s’interroge, se trompe se détruit. C’est comme si tous nos repères s’effondraient un à un. Je ne sais pas vraiment comment interpréter ce début du deuxième millénaire : s’agit il d’une crise profonde des systèmes et des identités ou simplement d’une crise passagère qui nous laisse apercevoir au loin un renouveau plus prometteur. Mais posez vous simplement cette question : Qu’attendre de demain ? Cette question je me la suis posée plusieurs fois et à vrai dire je ne suis pas très optimiste. Il règne ici bas comme une ambiance de fin de siècle : le futur n’a jamais était aussi incertain : « plus de pétrole dans 50 ans » nous dit on, « bouleversement climatique dans 100 ans », « pénuries d’ici 20 ans ». Que ces prévisions soient véridiques ou pas qu’importe. Ce qui est ici primordial c’est le manque d’espoir et de foi en l’avenir que cela engendre. Il y a bien sur cette crise économique qui plonge dans la précarité une bonne partie des nos citoyens depuis maintenant 30 ans déjà. A cela il faut ajouter les traditionnelles guerres incessantes et la faim dans le monde. Enfin, la sortie de la religion chrétienne, la fin des idéologies, l’effondrement des systèmes de solidarité et le creusement des inégalités achèvent de délier les Hommes. Mais au delà de toute cette contingence, je pense que la meilleure explication de cette désespérance consiste en ce que l’Homme fait face à « la fin de l’Histoire » comme le soulignait Fukuyama il y a déjà presque 20 ans. (Au passage la mondialisation serait peut être la preuve géographique du bout de l’Histoire.) Après l’extrême sécularisation des sociétés occidentales et l’avènement de la fin des idéologies, les Hommes doivent maintenant vivre comme il ne l’ont jamais fait : Vivre sans Transcendance. Il ne s’agit pas ici de prôner un retour au religieux, loin de là, mais de simplement souligner le désœuvrement de l’Homme lorsqu’il se dit seul face au monde. Le retour au religieux est une solution pour beaucoup de penseurs mais il y a aussi des substituts : il y eut la religion de l’humanité, la quête vers la Liberté ou encore le communisme. Mais aujourd’hui l’Homme semble obligé d’accepter ce monde tel qu’il est, la fin de la Transcendance met enfin les hommes face à eux même. Et je pense sincèrement que c’est cette situation : la perte de l’idéal commun qui pousse l’homme dans l’incertitude. Aujourd’hui, le subtile mélange des droits de l’Homme et du marché est devenu le fondement unique de notre identité collective. Rien de bien excitant, nous sommes d’accord ? L’imperfection du monde nous est en fait insupportable, voilà pourquoi nous ne percevons pas de projet d’amélioration. Face au spectre de l’achèvement, l’individualisme atteint son zénith, l’agressivité devient maximale. Les rapports humains semblent se bloquer lorsque l’histoire apparaît close. Finalement, nous vivons tous dans une société de frustration où l’idéal commun a disparu au profit de compensations matérielles de court terme. Cependant, la fin de siècle n’a rien d’insurmontable, cette crise identitaire est à dépasser. Comment ? Honnêtement, je n’en sais rien.