jeudi 5 juin 2008

Pourquoi Obama doit gagner


Souvenez vous !

Souvenez vous qu’en 2003 nous étions dans les rues, les yeux mouillés d’espérance, pour se battre contre une guerre que nous savions injuste mais aussi inévitable.

Souvenez vous qu’en 2004, M.Moore recevait une Palme D’Or des mains de Quentin Tarantino pour son Fahrenheit 9/11.Le message de l’opinion publique fraichement mondialisée était clair : L’Amérique nous a trahis !! Les valeurs défendues dans cette guerre pour la « démocratie » n’étaient définitivement pas les notre. L’Iraq était un furoncle sur le nez des Etats Unis qui perdaient pathétiquement leur rôle d’ambassadeur des libertés fondamentales qu’ils avaient toujours prônées. Nous étions en guerre contre cette Amérique profonde, chrétienne et rurale, contre ces Texans chapeautés racistes et assoiffés de pétrole. L’Amérique moquée était celle des années Bush : une succession de batailles idéologiques stériles et de mensonges. Les Etats-Unis s’embarquaient dans une guerre injuste, créaient Guantanamo et violaient ainsi la plupart des droits fondamentaux de la personne humaine.

Ils violaient leur propre constitution.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?L’Europe semble avoir changé de camps. Les forces de droite gagnent les principales élections sur fond de discours sécuritaire et anti immigration : Sarkozy, Berlusconi et ses amis légistes, Boris Johnson à Londres, Alemanno à Rome.Et pourtant de l’autre coté de l’Atlantique, « les cowboys évangélistes » s’apprêtent à confier la maison blanche à un jeune noir. Barack Obama est en tête des sondages et pourrait bien l’emporter pour offrir une belle revanche à l’Amérique, une belle leçon au Vieux Continent.

Avec Obama, c’est une Amérique réunie et repentie qui se redresse pour se réconcilier avec elle-même et avec le reste du monde. Son histoire est exemplaire d’un destin américain pluriel. Né d’une aventure estudiantine entre une mère du Kansas et un père Kenyan, éduqué en Indonésie, attiré un moment par la coco et le shit, meilleur étudiant à Harvard mais travailleur social à Chicago, il fait le choix de devenir avocat des droits civils plutôt qu’avocat d’affaire à Wallstreet. Ce Robin des Bois des temps modernes préfère défendre la cause noire plutôt que les « requins de la finance ».

S’il est élu, il promet la fin de cette guerre financièrement et humainement couteuse, la fermeture de Guantanamo et le respect inconditionnel et définitif de la Constitution des Etats-Unis d’Amérique et des droits fondamentaux qui y sont attachés. Il promet l’établissement d’un système universel de santé qui mettrait fin au dictat des compagnies d’assurance et aux inégalités sanitaires inacceptables au sein du pays le plus riche du monde. Il fera ce que le monde entier attend des Etats-Unis : l’adhésion au processus de Kyoto.

Avec Obama, les Etats Unis montrent leur vrai visage : celui d’un pays métis et contradictoire, jeune et réuni. Un président noir c’est une Amérique qui pardonne et assume le pécher originel de l’esclavage. Il lui tend un miroir dans lequel elle se trouve belle, multiracial et efficace.

Certes, nombreux sont ceux qui critiquent son idéalisme, son inexpérience et son esprit rêveur, Clinton la première. Mais après huit années de méfiance et de mépris ambiants, l’Amérique égoïste et arrogante d’hier doit laisser place aux rêves et à l’espoir. Laisser place à une Amérique qui assume sereinement et justement son rôle de superpuissance, à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. La force d’Obama, c’est peut être finalement, cet idéalisme tant moqué, car la politique devrait d’avantage être guidée par les idéaux, que part l’économie, le pragmatisme et le réalisme géopolitique.

lundi 2 juin 2008

Le retour au local : le défi pour une vie meilleure.

Globalisation : voici un terme que l’on peut entendre et lire abondamment dans nos médias. La plupart du temps, il englobe le Tout comme le Rien, et représente tous les bienfaits, mais aussi tous les maux, dérivés des progrès économiques modernes. On le dit dénué de sens, et pourtant, la globalisation, pour la génération à laquelle j’appartiens, celle des années 1990, a forgé notre identité. Nous sommes la première cohorte à expérimenter l’accomplissement d’une « société globale » avec son marché sans frontières, sa culture faite de postmodernité, d’espaces urbains et de nouvelles technologies mais surtout la naissance d’une opinion publique mondiale. Inégalités, réchauffement global, terrorisme : les enjeux politiques se mondialisent en même temps que nos identités. Parallèlement, la chute progressive de l’Etat Nation comme cadre de socialisation parachève la naissance du nouveau cadre global.
Nous sommes conscients que la facilitation des échanges internationaux a permis la création accélérée de richesses, la diffusion rapide du progrès et la pacification de certains comportements. Cependant, notre génération n’est pas dupe en ce qui concerne la globalisation. Car si nous sommes marqués par la mondialisation, nous le sommes également par l’urgence écologique. Nous sommes conscients qu’au niveau environnemental la globalisation est difficilement soutenable. En effet, si la croissance galopante des économies développées et émergentes a apporté progrès et prospérité à bon nombre d’individus, elle possède également des externalités négatives que sont la pollution et la dégradation de nos environnements. Nous grandissons avec les images d’une banquise fondue, des sécheresses africaines et des tempêtes asiatiques. Avec la mondialisation, les rythmes de croissance s’accélèrent et les cloches de l’impératif écologique sonnent le glas d’une société au développement irresponsable. Cependant, notre identité réside aussi dans ce défi : Celui de construire un avenir soutenable et durable dans une société globale. Pour relever ce challenge, le retour au Local représente peut être une solution afin de construire une base solide à une mondialisation responsable. Le cadre et le niveau d’analyse local sont souvent sous-estimés dans le contexte global. Et pourtant, les économies locales et notamment celles des villes constituent le cœur battant de notre mondialisation ; et c’est pour cette raison que le développement durable de nos niveaux de vie doit se réaliser localement.
Parallèlement, les capacités des forces locales pour l’amélioration de la qualité de vie ne se limitent pas au niveau économique ou écologique. Le combat se joue aussi aux niveaux social, politique et culturel Un environnement meilleur signifie également une plus forte cohésion sociale et politique. Nombre de problèmes sociaux (chômage, pauvreté, désaffiliation) et politiques (manque de participation et de socialisation politique) ont un ancrage local et peuvent être combattus localement. Les politiques de proximité parce qu’elles sont liés aux problèmes de terrain sont les plus déterminantes lorsqu’il s’agit de construire un environnement durable, d’améliorer la vie de tous les jours. Elles reposent sur la simple nécessité de penser puis de tout faire pour réaliser la « soutenabilité » de chacun de nos gestes.

La relocalisation des circuits économiques : plus proche, plus propre.
Au niveau économique, nous savons tous que les politiques publiques locales via l’aménagement des territoires, ont toujours été déterminantes pour intégrer les localités dans l’économie nationale ou mondiale. Infrastructures de transport, organisation d’événements internationaux, développement de l’attractivité : l’essentiel des cartes pour une économie florissante est dans les mains des collectivités locales. Face au nouveau défi du développement durable, le niveau local apparaît encore une fois le plus compétent pour améliorer la qualité de vie et réaliser cette « soutenabilité » de chaque instant. Dans ce combat, les choix d’urbanismes sont de la plus haute importance. Ville propre, développement des énergies non polluantes, bâtiments autosuffisants, espaces verts, densité des transports publics et recyclages sont des exemples des possibilités d’amélioration concrète de la qualité de vie qui peuvent être réalisés localement. Cependant, au-delà de ces politiques traditionnelles, la relocalisation de l’économie est le véritable enjeu. Nous vivons dans une société où l’obsession pour la vitesse a fait naitre l’illusion de la disparition des distances. Les circuits de production et de distribution des biens ont été mondialisés pour une plus grande rentabilité mais la dépense d’énergie est énorme et le système insoutenable. L’enjeu est donc de transformer cette obsession de la vitesse en obsession de la proximité : « from faster to closer ». Il s’agit de rapprocher les personnes des informations et des produits pour minimiser les distances et les dépenses d’énergies. Concrètement, cela signifie travailler et consommer avec les ressources disponibles localement avant de passer par les circuits mondiaux. Prenons l’exemple de la consommation d’une tomate dans le sud de la France, une région où ce fruit prolifère. Pourquoi la majorité des tomates consommées à Nice sont elles cultivées en Hollande sous serre, voire hors terre, nécessitant ainsi une dépense d’énergie démentielle comparée à celles cultivées dans la région avec la simple énergie du soleil ? Le recours systématique aux circuits mondiaux est trop souvent inutile et la relocalisation de certains de ces circuits peut permettre des économies d’énergie considérables par le simple fait de réduire les flux matériels.
Minimiser les flux entre les différents pôles de production et de distribution des circuits économiques, tel est l’enjeu pour une réduction durable des externalités négatives sur l’environnement. En plus de la relocalisation de l’économie, la restructuration des espaces urbains représente une solution concrète pour atteindre cet objectif. L’essentiel de l’activité économique mondiale repose sur le dynamisme des villes et notamment des « global cities ». Leur restructuration pourrait donc avoir un impact considérable. Dans le monde entier, la plupart des villes sont aménagées d’une façon similaire, les espaces urbains y sont fortement spécialisés. En effet, les grandes villes sont essentiellement divisées en zones : zones industrielles, zones commerciales, quartiers d’affaires, zones universitaires etc. Ces différents pôles sont interdépendants et pourtant plus ou moins hermétiques les un par rapport aux autres. Cette spécialisation des espaces urbains contribue fortement à augmenter les flux de matières et d’individus entre ces zones et à accentuer les problèmes de trafic et de pollution de l’air. Une restructuration de l’espace urbain consisterait à rassembler ces pôles interdépendants et permettrait ainsi de limiter les flux. En effet, le regroupement des universités, des centres de recherche, des zones de production, de distribution et de prise de décision représente une économie d’énergie considérable. De plus, cette fusion entre les différentes zones faciliterait leur dialogue et les échanges d’informations. Réunir dans un même lieu les universités, les centres de recherche et les entreprises représente une avancée colossale pour la compétitivité et l’attractivité économique des territoires.
Enfin dans cette course vers l’économie d’énergie, un meilleur usage des nouvelles technologies de la communication pourrait être d’un grand secours. En effet, les NTIC ont déjà permis la dématérialisation de nombreux flux aux externalités négatives. Cependant, un usage toujours plus réfléchi de ces outils pourrait permettre de réaliser de nouvelles économies d’énergie. Une dématérialisation totale des circuits de communication entre les acteurs faciliterait non seulement la circulation des informations chères à la compétitivité, mais permettrait d’économiser toute l’énergie autrefois dépensée pour des flux matériels.
Repenser chaque mouvement, chaque circuit et chaque décision des économies locales dans une optique du plus proche et du plus propre pourrait alors être le moyen le plus efficace pour construire une base locale solide à un développement économique durable.

Désenclaver les quartiers relégués : les politiques locales au service de la cohésion sociale.
Au niveau social, les enjeux sont différents lorsque l’on parle d’amélioration de la qualité de vie. Il ne s’agit plus de penser les politiques de la ville en matière d’économie d’énergie mais plutôt en termes de cohésion sociale. Jacques Donzelot dans « la ville à trois vitesses » analyse les dynamiques urbaines de la ville de Paris et de sa Banlieue et décrit le processus de formation des quartiers de la « relégation » qui concentrent tous les maux de la société : chômage, échec scolaire, violences…Les populations les plus défavorisées de la société sont victimes de la « sécession des classes moyennes » qui adoptent des stratégies de fuite de certains quartiers, ou de reconquête d’autres quartiers en jouant sur la hausse des prix (gentrification). La formation de poches de pauvreté que sont les quartiers délaissés, entraine ensuite ses habitants dans un cycle de désaffiliation où l’exclusion n’est plus géographique mais aussi sociale et politique. D’autres sociologues des écoles américaines et notamment Mike Davis et Saskia Sassen ont récemment démontré combien les politiques d’urbanisme étaient déterminantes pour imposer ou refuser consciemment une cohésion sociale, pour que la ville fasse société ou non. Mike Davis dans son ouvrage « city of quartz » prend l’exemple de la ville de Los Angeles et analyse comment les politiques urbaines sont stratégiquement mises en œuvre pour accentuer une dualisation entre les quartiers intégrés et les quartiers délaissés. Le rôle des politiques locales dans l’optique d’une amélioration de la cohésion sociale est donc de tout faire pour éviter ce genre de processus de relégation. Les pouvoirs locaux ont les moyens de désenclaver ces quartiers pour imposer la mixité sociale. Il s’agit tout d’abord de connecter ces zones aux centres qui polarisent les activités avec un réseau dense de transports en commun ; puis de valoriser l’attractivité de ces territoires en menant des politiques ambitieuses pour le logement, l’école, l’implantation des entreprises et même des lieux de pouvoirs afin de faire rentrer le travail, l’emploi comme la République dans ces quartiers où plus rien ne relie les individus au cadre national. Le retour des activités économiques, associatives et politiques permet d’enrayer le processus de désaffiliation. En créant des emplois et des richesses, on donne enfin une chance à ces territoires qui sont plus des trésors d’invention inexploités que des poches de pauvreté.

Construire un environnement écologiquement et socialement soutenable, tel est l’enjeu de nos sociétés développées qui entendent déjà le glas de l’impératif écologique. Sur ce terrain, le retour au cadre local semble être la solution la plus concrète pour améliorer durablement la qualité de vie des territoires. Certes, il ne faut pas s’attendre à une révolution globale de nos actuels modes de production et d’organisation qui montrent leurs limites. Cependant, l’agrégation de multiples efforts locaux peut permettre de gagner du temps. Du temps. Oui. Car c’est bien cela qui nous manquera dans notre course pour un développement durable de nos sociétés.